Il arrive, ferme les yeux #7

Chapitre 7 – Le grand dieu Jin Yan
Traduction par @Litteangele

Note de la traductrice : parce que la traduction, c’est addictif. Parce que le chinois, j’y reviens toujours bon gré mal gré. Parce que Bo Jin Yan et Jian Yao, je ne m’en lasserai pas de sitôt. Bonne lecture en cette journée mondiale contre la faim !
NB : le prochain chapitre ne sera pas prêt avant la mi-juillet au minimum. Le mode ermite m’attend, j’ai un mémoire de master à rendre. Ô joie.


Le crépuscule tombait telle une toile sombre sur la Terre. Jian Yao se tenait devant la fenêtre, les yeux rivés sur le commissariat fortement éclairé qui se trouvait juste en face de chez elle.

Plus tôt, après l’entrée du chef dans la villa de Bo Jin Yan, la police avait demandé à ce que tout le monde évacue les lieux. Elle aussi était rentrée chez elle.

Jian Xuan sortit du bureau, un livre élégant à la main qu’elle remit à sa sœur.

 Je veux l’autographe du grand dieu ! demanda-t-elle.
— Est-ce vraiment nécessaire ? répondit Jian Yao en tournant la tête vers elle ; hier encore, elle qualifiait Bo Jin Yan de « démon ».
— Bien sûr que oui ! affirma Jian Xuan en hochant résolument de la tête. Je suis une grande fan de la série américaine Criminal Minds. Maintenant qu’il y a un véritable expert du domaine vivant dans la même dimension que moi, je ne peux pas rater cette occasion !

Cependant, Jian Yao choisit d’ignorer sa courtoisie, tourna la tête et porta son regard au-delà de la fenêtre.

 Je n’irai pas le trouver pour lui demander son autographe, répondit-elle.
— Ah ? s’exclama Jian Xuan surprise par l’expression un peu têtue de sa sœur aînée. Grande sœur, quelque chose t’embête ? laissa-t-elle échapper.

Jian Yao fut quelque peu stupéfaite et se retourna de nouveau.

— Quelque chose m’embête ? répéta-t-elle en regardant Jian Xuan bizarrement. Bien sûr que non. Sais-tu ce qu’il répondra si je vais le voir pour lui demander un autographe ?
— Quoi donc ?

Après un instant de réflexion, Jian Yao imita la voix qu’elle avait entendue lors de son dernier jour de travail.

— Si toutes les personnes qui me cherchent pour un autographe l’obtenaient, je n’aurais déjà plus de main.
— Ah ?
— … car détachée par trop de signatures.
— Pffff, ria Jian Xuan. Grande sœur, ta blague est trop nulle. Comment pourrait-il être si arrogant ?
— Il est arrogant à ce point-là, sourit Jian Yao.

Jian Xuan soupira. Les deux sœurs contemplèrent la nuit à travers la fenêtre, en silence.

En réalité, lorsque Li Xun Ran avait appris à Jian Yao l’identité de Bo Jin Yan plus tôt cet après-midi, elle avait été abasourdie. En effet, ses premières impressions de cet homme étaient claires : un otaku* arrogant, hautain et au quotient émotionnel très bas, ne sachant pas s’intégrer dans le monde, avec un ego extrêmement bien développé. En bref, c’était un homme puéril et antisocial.
(*宅男 en chinois. La notion qui s’en rapproche le plus est le mot japonais otaku. Cela décrit quelqu’un qui ne sort jamais de chez lui, passant généralement la majorité de son temps à jouer en ligne.)

Cependant, une telle personne se trouvait être un expert de renommée mondiale, quelqu’un que même Li Xun Ran considérait comme un dieu. Il fallait savoir que Li Xun Ran était très ambitieux* ; parmi le commun des mortels, il n’y en avait que quelques-uns qu’il admirait. Bo Jin Yan devait donc certainement être la crème de la crème dans le domaine pour que Li Xun Ran soit aussi sincèrement admiratif.
(*心比天高 xīn bǐ tiān gāo : littéralement « avoir le cœur plus haut que le ciel » i.e. avoir de grandes ambitions, vouloir réussir.)

Jian Yao ne put que penser : le monde est grand et vraiment plein de surprises. 

À ce moment-là, le téléphone de Jian Yao sonna. C’était Li Xun Ran. Elle répondit immédiatement.

— Je vois que tu es chez toi, déclara-t-il d’une voix un peu étrange. Est-ce que tu es libre ? Viens vite dans mon bureau.

———

Les logements situés dans les locaux de la police et les bureaux étaient distants de moins de quelques centaines de mètres. Quelques minutes après l’appel, Jian Yao entrait dans le bureau de Li Xun Ran.

Il lui donna un verre d’eau mais resta silencieux, une cigarette entre les mains. Li Xun Ran, bel homme intense et enveloppé d’une aura noble, évaluait Jian Yao d’un regard.

Jian Yao buvait son eau et attendit qu’il s’asseye enfin pour lever la tête et prendre la parole.

— Tu as perdu la mémoire ? Tu en as assez vu ?

Toutefois, au lieu de lui répondre, il lui posa une question soudaine.

— Est-ce que Bo Jin Yan est en train de te courtiser ?

Jian Yao s’étouffa avec l’eau, toussa et le fixa du regard.

— Tu es fou ! C’est impossible !

Considérant son expression, Li Xun Ran savait qu’elle disait la vérité. Il la jaugea du regard.

— Bien que tu sois très intelligente, tu ne fais tout de même pas partie des meilleures…, murmura-t-il, l’offensant un peu. S’il ne te courtise pas, alors qu’est-ce qui l’intéresse pour qu’il insiste pour que tu deviennes son assistante ?
— Quelle assistante ? demanda Jian Yao, surprise.
— Son assistante pour enquêter, bien sûr.
— L’affaire possède des informations anglaises à traduire en chinois ? s’enquit Jian Yao, confuse.
— Non ! Il s’agit de l’affaire dont je t’ai parlé, celle des disparitions d’adolescents. Quel anglais ! C’est plutôt le dialecte rural !

Cela rendit Jian Yao perplexe, mais d’après l’expression assez sérieuse de Li Xun Ran, elle conclut que ce n’était pas une plaisanterie.

— Pourquoi moi ? Je ne fais pas partie des forces de police.

Li Xun Ran la regardait en silence.

=

Il se remémora la scène s’étant produite il y avait quelques heures, lorsqu’il était lui-même allé trouver Bo Jin Yan.

À ce moment-là, cette incroyable personne avait déjà rencontré le chef. Li Xun Ran avait appris la nouvelle : Bo Jin Yan était disposé à donner son expertise sur l’affaire des disparitions. Toutefois, il avait une requête, et une seule : il voulait que Jian Yao soit son assistante.

Ce génie persistait à faire les choses à sa façon et que Jian Yao ne soit pas policière l’importait peu. Cela mettait le chef dans une position un peu difficile mais il savait que Li Xun Ran était en très bons termes avec Jian Yao. Il l’avait donc chargé de discuter avec elle.

La première réaction de Li Xun Ran avait été d’aller voir Bo Jin Yan et de proposer ses propres services. Il avait été un peu étonné lorsqu’il vit Bo Jin Yan en vrai : il était en fait si jeune, de son âge environ.

Qui aurait cru que Bo Jin Yan l’attendait pour cette raison précise ? Ce dernier était en effet dans la salle de conférence du commissariat, installé dans le canapé et lisant un journal. Sans lever la tête, il déclara :

— Merci de vous porter volontaire, mais je ne vous connais pas. Je ne suis pas intéressé.

Toutefois, comme le pensait Jian Yao, Li Xun Ran était peut-être fier et arrogant, mais il avait un grand cœur. Devant les autorités, afin d’enquêter, afin d’apprendre, peu lui important sa fierté. L’arrogance de Bo Jin Yan, il la connaissait et en avait déjà fait l’expérience. Bien que ce soit un peu agaçant, il ne lui en tiendrait pas rancune. Par ailleurs, il savait très bien faire séparer le travail et ses sentiments personnels pour Jian Yao.

=

— Pourquoi t’avoir choisie ? Il faudra aller lui demander toi-même, répliqua Li Xun Ran. Quoi qu’il en soit, le chef voulait te dire que la politique de la police n’autorisait pas et n’approuvait pas la participation des citoyens aux enquêtes policières. Cependant, le ministère de la Sécurité publique vient de conférer au professeur Bo le titre de membre honoraire de la police. C’est un intellectuel et un consultant, son personnel n’est pas du ressort de la police, qu’il ait un assistant personnel est son affaire. Avant que le ministère de la Sécurité publique n’engage un expert spécialisé, on peut faire une exception pour Bo Jin Yan qui t’a demandé toi, une étudiante. Par conséquent, à toi de voir si tu es disposée ou non à accepter le poste.
— C’est trop ridicule, répondit-elle en secouant la tête après un moment de réflexion. Je dois d’abord aller le voir pour éclaircir tout ça.
— Il vient de partir d’ici en voiture. Il devrait bientôt être rentré à la villa.

——

Jian Yao médita sur le chemin du retour.

En ouvrant la porte, elle découvrit le salon désert. Elle s’assit sur le canapé et entendit du mouvement dans le bureau. Ce devait être Jian Xuan qui utilisait l’ordinateur.

Elle récupéra son téléphone qu’elle avait posé sur la table et chercha le numéro de Bo Jin Yan tout en criant en direction du bureau :

— Tu ne devineras jamais ce que Xun Ran vient de me dire. Contre toute attente, ton grand dieu veut que je devienne son assistante d’enquête, révéla-t-elle d’humeur finalement agitée. J’ai l’impression d’avoir été comme frappée par la foudre, soupira-t-elle.

Elle n’eut aucune réponse provenant du bureau. Jian Xuan devait avoir ses écouteurs. Jian Yao n’en dit pas plus et appela directement Bo Jin Yan. Très vite, la tonalité d’appel résonna dans ses oreilles. Jian Yao attendait avec attention lorsque soudainement, elle tourna la tête vers le bureau, surprise…

Un téléphone sonnait aussi dans le bureau.

Le téléphone de Jian Xuan ? Mais ses sonneries avaient toujours été des musiques rap bien rythmées, quand a-t-elle changé ça pour une symphonie douce et lente ?

À ce moment-là, elle entendit la poignée de la porte d’entrée être actionnée. Jian Xuan, très dynamique, ouvrit la porte et entra dans l’appartement. Elle afficha une mine heureuse en la voyant.

— Grande sœur, tu es enfin rentrée ! Je te cherchais ! Tu n’as même pas pris ton téléphone avec toi ! s’exclama-t-elle. Et le grand dieu ? continua-t-elle à voix basse, balayant la maison du regard. Est-ce qu’il est toujours dans le bureau ?
— … Le grand dieu ? Dans le bureau ? répéta stupidement Jian Yao.
— Oui, il voulait te voir. Tu n’es pas au courant ? Vas-y vite ! Laisse-moi d’abord reprendre mes esprits. Il est trop beau, vraiment ! J’ai dû le confondre avec un autre monstre par le passé !

——

Jian Yao s’arrêta un instant devant la porte entrouverte du bureau.

La lumière était allumée et était réfléchie sur le sol, éclairant chaleureusement la pièce. Une musique douce avait été lancée. Elle entendit vaguement un son, comme une tasse que l’on posait sur une table. Jian Yao ouvrit la porte et entra.

De part et d’autre de la pièce se trouvaient de grandes bibliothèques solides et noires. Un homme était assis au milieu du canapé rouge. Il portait un costume noir, un haut blanc et pas de cravate. Il avait croisé les jambes et tenait un livre sur lequel il semblait concentré. Sur la table basse à côté, il y avait effectivement une tasse de thé mais aussi un plateau de fruits.

Un seul coup d’œil à cette scène donnait une impression de grand confort et d’élégance.

Entendant du mouvement, il posa le livre et leva les yeux en direction de Jian Yao. Sans aucun doute, on pouvait deviner l’homme étant grand même s’il était assis. Ses vêtements étaient bien repassés, bien proportionnés et lui seyaient bien. Cependant, comparée à l’impression donnée cette nuit-là, sa silhouette semblait maintenant plus élancée, avec des épaules plus larges et des jambes plus longues.

Lorsque leurs yeux se croisèrent, Jian Yao se calma légèrement. Il avait des yeux longs et fins. Sans savoir si c’était dû à la lumière ou non, il avait un teint très clair contrastant avec ses pupilles d’un noir de jais. Son regard était indifférent, donnant l’impression qu’il existait une distance incomparable entre lui et le monde extérieur.

……

Jian Yao s’assit en face de lui, un peu mal à l’aise.

Tous deux avaient déjà conversé plusieurs fois, mais c’était au téléphone ou dans le noir. C’était la première fois qu’ils discutaient face à face, visages à découvert. Ils n’étaient pas étrangers l’un à l’autre mais ils ne se connaissaient pas non plus.

Alors qu’elle allait parler, il baissa la tête vers le livre qu’il avait entre les mains. Il était d’apparence distante et froide mais sa voix était grave, de tonalité agréable.

— Est-ce que ce sentiment est agréable ? D’être frappée par la foudre ?
— Pourquoi êtes-vous chez moi ? esquiva Jian Yao, embarrassée.
— Pour enquêter un peu sur votre petit passé, évidemment, répondit-il en relevant la tête.

Au départ, en raison de son identité de grand dieu et de son apparence éblouissante, elle avait commencé à lui octroyer un léger halo. Ce dernier était toutefois parti en fumée dès lors qu’il avait commencé à parler. Alors qu’elle n’allait pas se gêner pour rétorquer, il continua sur sa lancée :

— Une étudiante avec une famille aux relations extrêmement harmonieuses qui rentre chez elle pour les vacances d’été mais qui choisit de vivre seule dans une vieille maison vide depuis de nombreuses années. Votre cœur serait-il moins insouciant et moins joyeux que ne le laisse suggérer votre apparence ? demanda-t-il, surprenant Jian Yao qui continua de l’écouter. Vous avez juste assisté aux funérailles de votre père à un jeune âge. Les autres membres de votre famille vous chérissent et vous vous entendez bien avec eux. Vous n’êtes ni fragile ni intolérante. De ce fait… gardez-vous d’autres traumatismes de votre enfance ? conclut-il en la regardant, les yeux distants et pénétrants.

Jian Yao avait immédiatement pâli, pétrifiée. Mais Bo Jin Yan enchaîna sur un autre sujet :

— Cela devient cependant insignifiant face à une autre de mes découvertes… Ainsi donc, vous lisez ce genre de livres dépourvus de logique et de raisonnement scientifique ? questionna-t-il en levant le livre qu’il avait toujours entre les mains.

Jian Yao découvrit le titre sur la couverture du livre : Je t’accompagnerai jusqu’au bout du monde, l’une des histoires romantiques de sa collection.

— Il s’agit d’une romance, quelle logique peut-il y avoir ? réfuta Jian Yao.
— Le livre comporte même de nombreuses annotations…, argumenta Bo Jin Yan en tournant les pages.
— Qui vous a autorisé à toucher mes livres ? demanda-t-elle et tendant la main pour récupérer l’ouvrage, embarrassée.

Ce livre, elle l’avait lu quand elle était au lycée. À l’époque, elle avait effectivement trouvé l’histoire touchante et elle avait écrit quelques mots dans la marge. Par exemple, il y avait « Je ne sais pas quand ses sentiments sont apparus mais ils sont profonds. » ou encore « Aime-moi comme avant, comme si j’étais la seule. » etc. Maintenant qu’elle voyait cela, c’était vraiment à l’eau de rose et sentimental.

— La demoiselle dehors a dit que les livres étaient à ma disposition, répondit Bo Jin Yan avec calme alors l’avoir laissée reprendre son livre.
— Pourquoi voulez-vous que je devienne votre assistante ? posa-t-elle la question clé après avoir rangé le livre sur l’étagère.
— C’est évident, pour de nombreuses raisons. Ce doit être vous, insista-t-il avec un sourire cette fois-ci, contre toute attente.
— Par exemple ? continua Jian Yao, surprise.
— Par exemple, je n’aime pas être dérangé durant mes enquêtes. J’ai besoin de quelqu’un pour s’occuper de la police, des citoyens et des journalistes ; pour réaliser toutes les tâches longues et laborieuses pour moi. Par exemple, dans cette ville, je ne connais qu’une seule personne : vous. De plus, vous savez pêcher.
— … J’ai besoin d’y réfléchir.

Bo Jin Yan l’observa, se leva et renfila sa veste. Au moment de sortir, il tourna la tête et lui dit :

— Je n’attrape que les criminels les plus vicieux ; seul moi en ai la capacité. Cette affaire sera résolue en moins d’une semaine ; ce sera la durée de votre contrat. Si j’étais vous, je ne perdrais pas de temps en réflexion inutile mais je me rendrais à 8 heures demain matin à la villa.

7 réflexions sur “Il arrive, ferme les yeux #7

  1. Je viens de regarder le drama adaptation de ce bouquin et je l’ai adoré ! C’est pourquoi je te remerci énormément pour ton travail de traduction qui me permet de faire perdurer un peu cette histoire dans mon esprit… j’ai vraiment à te dire la suite!

    Gros bisous et bon courage

    Isatis

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