Le général veut une étreinte pour dormir #5

Chapitre 5 : Le rustre
Traduction par @Ytr

Note de Littleangele : petit cadeau de la part d’Ytr. Que nous sommes gâté.e.s ! Place à Chu Zhu Yu et ce cher inconnu aux gestes si déroutants.


Chu Zhu Yu n’avait de cesse de s’interroger sur son projet, à savoir notamment si elle se montrait excessivement naïve. En effet, s’il avait été question d’un homme ordinaire, combien il lui aurait été facile de tomber enceinte. Oui mais voilà, il s’agissait de Xiao Zhi, l’homme craint de tous, ennemis et autres. L’homme au rang de général et dont le désintérêt pour les femmes était notoire.

« Porter son enfant… semble être une tâche bien ardue », pensa-t-elle. Le plus dur étant de réaliser que même en vivant dans la même résidence, elle n’avait pas encore eu l’occasion de voir le général en personne, alors parler de le séduire ! À plus forte raison lorsque, et il fallait le dire, se trouvaient dans la résidence des servantes bien plus attrayantes et jeunes qu’elle… Si on parlait séduction, elles avaient bien plus de chance d’envoûter le général qu’elle !

La nuit tombée, Chu Zhu Yu se préparait à se coucher lorsque, et alors qu’elle s’endormait, l’ombre d’une personne attira son attention, lui faisant relever la tête. Elle n’avait aucun moyen de savoir depuis quand l’ombre se tenait là, près de son lit.

Comme la veille, il était vêtu de noir. Sa longue chevelure sombre, toutefois, était différente. Et pour cause, il ne portait pas le Yu Guan, laissant sa chevelure tomber librement. Les doux traits de son visage resplendissaient davantage sous la lumière. C’était le bel inconnu qui lui avait causé ce mal de dos de toute une journée !

— Vous, rustre ! Vous osez encore vous montrer ici ! l’invectiva Chu Zhu Yu lorsqu’ils furent face-à-face, les yeux rouges de colère. Une telle colère que sans réfléchir elle jeta un oreiller sur lui.

— Rustre ? rétorqua Xiao Ji, son beau regard interrogateur, en attrapant l’oreiller avec aisance.

— Vous n’êtes qu’un goujat comme tant d’autres hommes, ennemi des femmes !

— Mais encore ?

— Je veux simplement dire que si votre allure reflète quelque timidité, à l’intérieur vous êtes un loup, poursuivit-elle en lui donnant un soudain coup de pied en hurlant. Rendez-moi mon innocence !

Xiao Zhi inclina la tête un instant avant de parler.

— C’est bien la première fois que quelqu’un me dit une telle chose.

— Si vous reconnaissiez vos torts, je pourrais oubli…

Zhu Yu s’interrompit brusquement, éperdue par le sourire et la voix rieuse de cet homme, féerie faite homme.

— Vous êtes si singulière, très différente des autres, constata-t-il souriant, un chapelet de perles dans la main.

C’est qu’en plus il n’était pas repentant pour deux sous !

— Vous… ! Vous… ! Si vous n’êtes pas venu aujourd’hui pour reconnaître vos torts, pourquoi êtes-vous venu ? demanda Zhu Yu contenant à grande peine son irritation.

— Pour  boire du thé, dit-il comme si cela relevait de l’évidence.

Et puis quoi encore !

— Ma chambre n’est pas une maison de thé !

— Mais je souhaite boire votre thé, énonça Xiao Zhi avec sérieux, la scrutant avec une intensité séductrice qui fit déglutir Zhu Yu.

— Impossible, répondit-elle en évitant son regard. C’est qu’un tel regard pouvait être très perturbant.

— Pourquoi ? s’enquit-il, plein d’incompréhension.

Xiao Zhi se pencha et se rapprocha de la femme devant lui. Il ne comprenait pas la raison de la colère qu’affichait son visage, alors que les autres femmes le regardaient toujours avec admiration. Elle était une exception.

Il s’approcha si près d’elle que Zhu Yu pouvait voir ses cils. Lorsqu’il l’avait enlacée la veille après l’avoir immobilisée, elle n’avait pas pu l’observer correctement. Maintenant qu’elle pouvait y remédier, elle ne pouvait nier l’extrême beauté de cet homme.

— C’est parce que… parce que…, commença-t-elle mortifiée par l’effet que son regard avait sur elle. Je ne peux simplement pas, conclut-elle fermement en mettant de la distance entre eux.

Il l’observa un instant en fronçant les sourcils, soucieux. Puis, exhala avant de reprendre.

— Bien que ce soit ma première fois, je me fierai aux dires de cette personne en qui j’ai confiance.

Chu Zhu Yu était absolument interloquée. Elle commençait à ne plus rien comprendre aux propos de cet homme lorsqu’elle vit, comme dans un état second, son visage s’approcher doucement du sien. Puis… Myriades de sensations. Elle rougit de sentir ses lèvres pressées contre les siennes.

Des lèvres infiniment douces qui lui procuraient un plaisir tel qu’elle eut l’impression que tout son sang affluait pour se concentrer sur ses lèvres. Des lèvres dont émanait une chaleur exquise. Une chaleur produite par des lèvres pourtant froides au demeurant. Était-ce cela un baiser ?

Dix-huit ans de vie pour… pour… être embrassée, délicieusement, par un homme dont elle ignorait jusqu’au nom !

 Après un instant, il la libéra enfin.

— Maintenant, vous pouvez me préparer du thé, dit-il l’expression sérieuse, pas le moins du monde repentant de l’avoir offensée. Plus frustrant encore, il avait la grâce et le raffinement d’un érudit installé dans une maison de thé et attendant qu’on lui serve le thé du.

Chu Zhu Yu était confuse mais n’en fusillait pas moins du regard cet homme qui lui avait volé un baiser. Il n’entendait tout de même pas…

— Vous voulez dire que m’avez embrassée seulement pour que je vous prépare du thé ? s’indigna-t-elle, en grognant presque.

— Êtes-vous en colère ?

— Absolument !

— Il m’a été dit que tant que si j’agissais comme je l’ai fait à l’instant, les dames feraient suivant mes désirs, asséna-t-il avec confiance.

Si elle pouvait mettre la main sur celui ou celle qui avait tenu de tels propos, elle le tuerait volontiers.

— Ce baiser n’était pas assez langoureux pour vous ? s’enquit Xiao Zhi en se penchant pour recommencer.

Non, une fois suffisait !

— At-attendez… Ne souhaitez-vous vraiment que boire du thé ?

Il interrompit son mouvement pour acquiescer.

— Je vous préparerai du thé, mais vous avez interdiction formelle de faire quelque chose d’inconvenant, dit-elle en s’éloignant précipitamment pour sortir tout son set de thé.

Le temps s’écoula, Xiao Zhi savourait le thé tant désiré, tandis que Chu Zhu Yu ne le quittait pas des yeux. Un bel homme en effet, si élégant dans sa façon de boire du thé. Elle ne se lassait pas de le regarder. En y repensant attentivement, seule une femme comme elle pouvait tolérer un tel comportement. Eusse-ce été une autre demoiselle de la haute société dans sa situation tantôt, cette dernière se serait probablement donné la mort en réparation !

— Pourquoi me dévisagez-vous ainsi ? demanda Xiao Zhi en fronçant légèrement des sourcils.

Cette question rappela soudainement quelque chose à Zhu Yu, l’identité de cet homme.

— Qui êtes-vous ?

— Vous ignorez qui je suis ? répondit Xiao Zhi quelque peu surpris.

Zhu Yu ne put réprimer un mouvement d’exaspération. Il ne le lui avait jamais dit. Comment diable était-elle supposée savoir ? Cela dit, il était possible de déterminer les statut et rang d’une personne à la couleur de ses atours… Seuls les moines ou les soldats portaient des vêtements noirs. Il se pourrait bien qu’il soit un soldat. Après tout, ils s’étaient rencontrés deux fois et les deux fois il était vêtu de noir. Oui, Chu Zhu Yu en déduisit qu’il était soldat.

Xiao Zhi réfléchit un instant et esquissa un mouvement de la tête.

— Jue Qing, vous pouvez m’appeler Jue Qing.

Il n’obtint pour seule réponse qu’un léger soupir de Chu Zhu Yu, et pour cause, il lui importait peu de savoir comment il s’appelait… Comment la situation en était-elle arrivée là ? Dans tous les cas, une fois son thé fini, elle avait la ferme intention de lui demander de prendre congé sur l’instant.

Doux rêve… C’était sans compter Xiao Zhi qui l’enlaça soudainement en l’emportant sur son lit, lui soufflant au passage combien l’étreindre lui faciliterait le sommeil. Pour quelle sorte de jouet la prenait-il donc ?

— Lâchez-moi ! Dites, ignorez-vous que si vous agissez ainsi, je peux vous dénoncer auprès d’un tribunal ? tenta Zhu Yu, néanmoins consciente de ce qu’il ne faisait que l’enlacer d’une part, et de ce que tous deux étaient entièrement vêtus d’autre part…

— Aucun tribunal ne jugera votre demande recevable, énonça-t-il sans faire mine de la relâcher.

— Comment pouvez-vous en être aussi sûr ?

— Il importe peu comment j’ai acquis cette certitude, le fait est que je l’ai, asséna-t-il déjà partiellement allongé sur son lit.

Il hésita un court instant avant de poursuivre.

— Vous êtes si douce à étreindre. Comparé aux autres femmes, votre corps est agréablement doux, observant-t-il inconscient de la colère que ses propos provoquèrent chez Zhu Yu.

— Avez-vous enlacé beaucoup de personnes auparavant ?

— Pas beaucoup, juste quelques-unes.

Bonté divine, un récidiviste en plus !

— Vous ne pouvez pas vous endormir en me gardant dans vos bras ! Si quelqu’un nous voyait, qu’en serait-il de ma réputation ? s’offusqua-t-elle avant de menacer. Sachez que si d’aventure ils me noient à cause de ça, une fois fantôme je n’aurai de cesse de vous hanter !

— Personne n’osera vous noyer, souffla-t-il de sa douce voix, contrastant avec la ferveur de son interlocutrice.

Ce faisant, il approcha sa tête de son épaule, cherchant désespérément à sentir son parfum, mélange de thé et d’odeur corporelle.

— C’est si étrange. Tant que je vous tiens dans mes bras, il m’est aisé de m’endormir.

— Vous pourriez tout aussi bien dormir même sans m’étreindre ! lui dit-elle en pressant son corps de son poing. Ce geste était supposé être une attaque mais Xiao Zhi le ressentit comme un massage. Ce qui l’apaisa d’autant plus jusqu’à ce qu’il remarque la mine assombrie de Zhu Yu.

— Je n’arriverais pas à dormir, argua-t-il en fermant les yeux et en remuant la tête contre sa poitrine. Si le sommeil est chose très facile pour les autres, tel n’est pas le cas pour moi. Il m’est tout sauf naturel. Même si j’essaie de faire le vide dans mon esprit, que je cesse de penser, le sommeil me fuit.

Un sentiment incompréhensible du commun des mortels. Même Yu, le médecin de la Cour qui l’avait examiné et prescrit un traitement, n’avait pas réussi à le guérir de son mal.

— Professeur, pourquoi est-ce que dormir est si facile pour les autres et si difficile pour moi ? avait-il un jour de ses quinze ans demandé à son professeur, l’illustre maître Zen, Hui Wu.

— Il est de ces choses que les autres ont du mal à accomplir, tandis qu’elles sont choses très aisées pour toi, lui avait-il calmement répondu. Jue Qing, en tant qu’être humain, il est naturel de parfois gagner une chose et parfois en perdre une autre.

Xiao Zhi se souvenait avoir médité sur l’essence des paroles de son professeur pendant une semaine entière.

— Même si je donnerais tout ce que je possède en contrepartie d’une chose aussi ordinaire que le sommeil, par exemple, je ne peux pas, dit-il abattu.

Peut-être était-ce la tristesse qui résonna faiblement dans sa voix, il n’en reste pas moins que Chu Zhu Yu avait progressivement cessé de se débattre.

— Savez-vous qu’une fois j’ai brisé ma propre main dans le seul et unique but de voir si je ressentirais de la douleur, en perdrais connaissance et m’endormirais…

— Qu’est-il arrivé alors ? s’enquit Zhu Yu, sentant quelque chose de lourd peser sur elle.

— Je n’ai pas réussi à dormir. Même après avoir frappé jusqu’à ce que ma main se brise, j’étais toujours conscient  et parfaitement éveillé, dit-il en resserrant son étreinte.

— Qu-quelle main aviez-vous brisée ? demanda Zhu Yu curieuse. Xiao Zhi releva la tête et l’observa.

Ses cheveux noirs s’animèrent, retombant doucement sur ses épaules, caressant ses joues. Quelques mèches rebelles s’agitèrent sur son front dissimulant son regard.

Une impulsion soudaine de dégager son visage de ces cheveux s’empara de Zhu Yu, un instant, une envie impérieuse de voir ses yeux.

— Je veux… savoir, émit-elle enfin en humidifiant de sa langue ses lèvres sèches, geste qui fit sourire Xiao Zhi.

— C’était la main gauche.

Elle reporta aussitôt son attention sur ladite main recouverte par des manches. Ne voyant rien d’inhabituel, elle demanda s’il en souffrait toujours.

— Non, je ne ressens plus de douleur. Il y a bien longtemps que je suis rétabli, souffla-t-il en rapprochant son visage du sien. Le savez-vous ? Lorsque j’ai bu votre thé, son parfum et celui de votre corps m’ont détendu tant et si bien que lorsque je vous ai enlacée, je me suis surpris à somnoler. Combien je me suis réjouis de cette envie de dormir.

Un bonheur indescriptible avec des mots. Il s’était senti renaître depuis lors, neuf. Comme s’il avait cherché sans relâche son trésor le plus précieux et qu’il l’avait trouvé par hasard, enfin. S’il avait su qu’il était à telle portée de main, si proche…

— Zhu Yu, vous devriez rester à mes côtés, me tenir compagnie dans le sommeil. Le ferez-vous ? murmura-t-il les paupières lourdes.

Il avait dit cela d’un ton ferme, n’admettant aucune réponse négative. Chu Zhu Yu voulait refuser, comment pouvait-il en être autrement ? Pourtant, en croisant son regard, aucune parole ne franchit ses lèvres…

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